dimanche 16 décembre 2012

Evasion ou fistage fiscal


J'ai écouté l'émission du Club Poker Radio spéciale Fiscalité avec Me Eric Haber, beaucoup de choses ont été éclaircies sur la situation actuelle des redressements en cours chez les joueurs de poker professionnels.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que nombre d'entre eux sont mal barrés en face de fonctionnaires zélés aux ordres de Bercy.

Rien de bien étonnant en ces temps de crise et de recherche d'argent frais, le Fisc est un outil gouvernemental très efficace puisqu'il a tout pouvoir pour vous faire payer d'abord, et éventuellement rembourser (beaucoup) plus tard suite à une décision d'un tribunal.

Et oui, cette histoire révèle aussi le fonctionnement de notre société française, certes la déclaration de revenus, comme son nom l'indique,  est déclarative, mais quand un contribuable potentiel est "serré", il n'a quasiment aucun recours sauf sa bonne foi et des tonnes de justificatifs précieusement conservés, et pour les joueurs de poker pro, une solide bankroll réservée en cas de coup dur (car là c'en est un !).

Pour en revenir à l'émission radio, Me Haber brosse un portrait très sombre de la situation avec une vague de redressements fiscaux en cours chez les quelques dizaines de gros gagnants français de ces dernières années (en gros ceux dont le nom est apparu plusieurs fois dans les médias spécialisés poker et sur Hendon Mob accompagné de quelques milliers d'euros au bout de la ligne).

Quelques idées en vrac à bien s'enfoncer dans le crâne pour tout joueur de poker, même amateur, même salarié avec une activité principale, et qui joue avec le secret espoir d'un one time :

1- le Fisc n'a que faire de savoir si le poker est ou n'est pas un jeu de hasard, le Fisc ne réfléchit pas, le Fisc prélève l'impôt dès lors qu'un individu gagne de l'argent grâce à l'une de ses activités. Il prélève en mettant en demeure et attend sereinement que le contribuable conteste devant un tribunal.

2- le temps que mettra une jurisprudence à établir sans contestation que le poker de tournoi ou le poker de cash game à faible volume et sans artifice (trackers etc ...), reste un jeu de hasard, sera très long compte tenu des procès à rallonge nécessaires (cela se compte en années, 3 ou 4 minimum).

3- En attendant, il faudra payer ce que le Fisc réclame (pas le choix cf. 1), ou devenir exilé fiscal ou pire évadé fiscal traqué.

4- En déclarant une activité partielle de joueur de poker en régime micro BNC (pour des gains bruts inférieurs à 36k€), il faut s'attendre en année pleine à un taux d'imposition global (urssaf, csg/crds tout compris) de plus de 55%. Certes ce sera moins important lors des deux premiers exercices mais en gros c'est le prix.

5- Pour des gains supérieurs à 36k€, le taux d'imposition peut grimper bien plus haut selon le montant des frais déductibles. A ce sujet, il est presque sûr qu'un joueur de tournois pourra sans doute déduire beaucoup plus de frais justifiables qu'un joueur de cash game.

6- Restent quelques espoirs sur lesquels se battent les avocats spécialisés comme Me Haber : non imposition du primo gain fondateur de bankroll "professionnelle", conditions de pratique professionnelle du poker vs une autre activité salariée notamment, principe de récurrence des gains ...

7- Pour toute pratique "indirecte" du poker (stacking, swaps, deals en table finale d'un tournoi ...), bétonner les conditions contractuelles entre les parties pour pouvoir justifier de gains moins importants qu'annoncés ou pouvoir déduire des frais d' "investissements" par exemple.

Plusieurs billets de blogs et forums fleurissent ici ou là suite à cette émission radio très intéressante, je vous conseille celui de François Montmirel qui met en avant une très bonne idée de Claire viedefish Renaut, considérer le joueur de poker pro comme un intermittent du spectacle avec un régime particulier à inventer (lissage des gains/pertes sur plusieurs années etc ...).

Une chose est certaine et je terminerai là dessus, si les 1% de gros joueurs qui génèrent 50% de rake sur les rooms .fr s'exilent ou pire tombent "broke" suite à leur redressement fiscal et/ou provisions considérables(*) pour procès, c'en est fini du marché français

Définition détournée:
(*)considérables: sirop concentré.



 
 

13 commentaires:

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    1. Merci, pas facile de résumer 2h de propos d'un avocat, d'ailleurs le mieux reste de l'écouter en intégralité même s'il faut se taper les blagues vaseuses des animateurs ;-)

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  2. merci et ton dernier point est le point crucial . De facon plus large, si "on" continue à s'acharner et à faire fuir les personnes qui generent des revenues - les fameux 10% qui ramenent 90% des revenues - (dans le poker mais également dans tous les autres secteurs de notre économie...) notre beau pays est très très mal . Quelle incompétence et manque de pragmatisme de ces politiciens qui se foutent pas mal de l'interet national ! Honte à eux !

    Comme tu le dis, avec ces charognards du FISC francais qui tuent automatiquement la(les) poule(s) aux oeufs d'or, je pense également que l'avenir du poker en France est vraiment compromis à court terme.

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    1. Oui, je le crains aussi, les politiques dans leur ensemble ne mettent pas leur énergie là où il faut, à savoir vider les paradis fiscaux et harmoniser les politiques fiscales au moins en Europe. Trop compliqué de parler anglais pour négocier avec les pays étrangers sans doute, beaucoup plus facile de taxer sans condition avec des outils répressifs franco-français.

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  3. oui et également à limiter les dépenses et à les controler (je pense que beaucoup d'entre nous sommes ok por payer des impots pour les profs, sécu , maladie, ... mais pas forcement heureux de payer les notes de frais des députés sans justificatifs ou le credit d'impot des journalistes (decret de 1938 jamais remis en cause !!) ou des logements sociaux par toujours très sociaux ou la non remise en cause de nos institutions poussièreuses (à ne pas lire le livre de Zoé Shepard " Absolument débordée"... déprimant)... il y a du boulot avant de taxer a tout va.
    une proposition qui me semble pertinente qui circule en ce moment serait de remettre le mandat présidentiel à 7 ans avec la possibilité au président d'effectuer un seul mandat. Comme cela , on pourrait esperer des décisions d'utilité public plutot que politiciennes .... est ce utopique ?
    De meme , mettre quelques entrepreneurs au gvt serait intelligent (tentative avortée avec Blanc il y a quelques années). Aujourd'hui , à part Fleur Pelerin pratiquement aucun des ministres n'a eu d'experience concrete de l'entreprise ....
    bref vaste sujet ...

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    1. Oui mais qui contrôle ? rien ne bougera tant que ce ne sera pas des groupements de citoyens de la société civile qui contrôleront les dépenses publiques et passes-droits hérités d'un autre temps (tu me l'apprends pour les journalistes ... qui a dit contre pouvoir ? LOL)
      Enfin ... on dérive là, nous pauvres joueurs de poker compulsifs ...

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  4. Tiens, je voulais aussi écrire un prochain billet sur ce sujet. Finalement je pense que je vais rester un fish pour ne pas me prendre dans les filets du fisc

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  5. Tant que ton point 1 sera flou, rien n'avancera, et le fisc décidera au cas par cas... Merci Sharky, nice post :)

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    1. T'as tout compris et seule une jurisprudence claire et nette viendra clarifier la doctrine fiscale qui devra se conformer aux juges, pour l'instant il n'y a que l'arrêt de Clermont Ferrand qui va dans le sens du Fisc... seuls les pros actuellement en procèdure peuvent faire changer les choses .... mais veulent-ils prendre le risque ?

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